Paul Laurendeau, linguiste, sociolinguiste, philosophe du langage

LAURENDEAU 1990B

LAURENDEAU, P. dir. (1990b), Présence francophone, n° 37, Parler de la langue, 144 p
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PARLER DE LA LANGUE – PRÉSENTATION
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On parle de la langue. On en parle autant, sinon plus, que de notre corps, du reste de notre vie culturelle ou du temps qu’il fait. Notre discours épilinguistique (discours sur la langue) apparaît de prime abord intime et spontané. On semble parler de la langue comme des différents objets familiers formant l’univers personnel de notre praxie (ensemble des activités pratiques fondamentales se reflétant cognitivement). On glose un terme, on en rit ou on s’en choque, on commente un accent, juge une tournure, épilogue sur nos facilités ou difficultés à apprendre une nouvelle langue ou à se souvenir d’un dialecte maternel oublié, etc…

Si naturel que soit en apparence le discours épilinguistique, son analyse va vite montrer à quel point il peut être orienté. Car l’enjeu social que représente la langue dans de nombreuses communautés fera qu’on ne la laissera pas commenter impunément sans que quelque surveillance ne s’exerce. De plus, le caractère viscéral de ce sujet de conversation amènera cette surveillance à se voir affermie par un ensemble d’activités sociales régulatrices qui en feront bientôt une auto-surveillance.

Parler de la langue, c’est donc presque toujours mettre en branle un ensemble complexe d’habitus (réflexes inconscients d’origine sociale) qui, en révélant le locuteur épilinguistique dans sa pleine dimension de produit socio-historique, font de cette question un enjeu central de toute sociolinguistique conséquente.

Six linguistes et sociolinguistes ont produit les cinq articles du présent numéro de PRÉSENCE FRANCOPHONE portant tous sur un aspect du problème très diversifié du discours épilinguistique.

Denise DESHAIES, de l’Université Laval (Québec) pose d’entrée de jeu le problème dans ce qu’il a d’immédiat, d’apparemment anodin. Une mère et son enfant ne s’entendent pas sur l’acception d’un terme, et toute la machine des représentations enfouies se met en branle sous le regard froidement lucide de la sociolinguiste.

Michel LARONDE, de l’Université de l’Iowa (USA) se tourne du côté du métalangage des dialectologues. A travers une analyse critique des concepts de DIALECTE, PATOIS, FRANÇAIS RÉGIONAL chez un certain nombre de spécialistes, tout un monde d’arguties épilinguistiques se révèle.

Daniel BAGGIONI, de l’Université de la Réunion et Didier DE ROBILLARD, de l’Université de Provence présentent les résultats d’une enquête sociolinguistique portant sur les représentations épilinguistiques d’un échantillon représentatif de locuteurs francophones des différentes communautés de l’Ile Maurice.

Michel FRANCARD, de l’Université catholique de Louvain (Belgique) analyse le conflit intérieur que pose, dans la petite communauté belge de Lutrebois, l’existence de ce phénomène hautement logogène qu’est la situation de coexistence d’un « patois » wallon et de la « langue » française.

Paul LAURENDEAU, de l’Université York (Canada) décrit les contradictions de la version épilinguistique élitaire québécoise à partir de l’analyse de la définition donnée par des enseignants du concept de JOUAL.

On peut souhaiter que ces cinq contributions pourront faire sentir les enjeux, pour la sociolinguistique, d’une prise en compte rigoureuse du discours épilinguistique dans toute sa complexité.

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