LAURENDEAU 1997B
LAURENDEAU, P. (1997b), « Contre la trichotomie Syntaxe/sémantique/pragmatique », Revue de Sémantique et de Pragmatique, n° 1, Université Paris VIII et Université d’Orléans (France), pp 115-131.
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Ce qu’on n’a jamais mis en question n’a point été prouvé. Ce qu’on n’a point examiné sans prévention, n’a jamais été bien examiné.
Denis Diderot, Pensées philosophiques, Librairie Droz, 1965, p 24, aphorisme XXXI.
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RÉSUMÉ: La trichotomie syntaxe/sémantique/pragmatique a une histoire très complexe. Nous donnons des indications sur l’apparition de la « composante pragmatique » en linguistique et tentons de montrer les liens étroits qui la lient à un très important courant philosophique américain: le pragmatisme. Cette situation est le produit de conditions socio-historiques qui font du pragmatisme une idéologie. Cette idéologie en est venue à donner une orientation très particulière à la théorie du langage developpée par des philosophes et linguistes tels que Austin, Searle, Ducrot. Pendant ce temps, certains autres philosophes et linguistes, comme Wittgenstein et Benveniste, tentèrent de résister à l’option pragmatiste, en mettant de l’avant une vision non-trichotomique de l’ensemble des problèmes regroupés sous l’étiquette ÉNONCIATION.
ABSTRACT: The syntax/semantics/pragmatics trichotomy has a very complex history. Indications are provided concerning the apparition of the « pragmatic component » in linguistics, in an attempt to show the strong links it has with a very important American philosophical stream: pragmatism. This situation is a product of socio-historical conditions that makes of pragmatism an ideology. This ideology gave a very particular orientation to the theory of language developed by philosophers and linguists such as Austin, Searle and Ducrot. Meanwhile, certain other philosophers or linguists, such as Wittgenstein and Benveniste, tried to resist the pragmatist option, putting forth a non-trichotomic vision of the series of problems currently labelled ENUNCIATION.
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0.0. INTRODUCTION
La linguistique – et particulièrement la sémantique linguistique – voit mal la différence entre l’énonciatif et le « pragmatique » au plan théorique (comme en témoignent un certain nombre d’études « pragmatiques » exploitant en fait un cadrage énonciatif beaucoup moins étroit: Jaubert 1990, Bourdin 1994)1. Ici comme ailleurs, la mode a ses effets et il est important de fixer la réflexion critique à contre courant si nécessaire. La critique de la pragmatique est, dans le même mouvement externe et interne. De l’extérieur de la linguistique, il faut d’abord replacer la pragmatique dans son historicité. Ce sera pour se rendre compte que la trichotomie syntaxe/sémantique/pragmatique, encore très exploitée par les linguistes et les sémioticiens (on mentionnera pour exemples: Lundquist 1980, Maingueneau 1990), n’est pas le socle immuable que l’on croit.
Depuis C. Morris et R. Carnap, on a coutume de distinguer entre syntaxe, sémantique et pragmatique, ces trois composantes étant rendues autonomes, d’une part, et hiérarchisées, d’autre part. La sémantique interprète ce que la syntaxe a déjà assemblé; la pragmatique ajuste l’interprétation à l’usage que l’on veut faire du langage. Rien ne prouve cependant qu’une langue naturelle soit descriptible en ces trois composantes hiérarchisées et autonomes. Rien ne permet de ramener a priori la description d’une langue à une description uniquement syntaxique, puis sémantique et enfin pragmatique. Beaucoup de linguistes, après avoir proclamé l’autonomie de la syntaxe et s’être astreints à la rigueur d’une description qui refusait tout recours au sens, se sont réfugiés dans le paradis de la sémantique mais ce paradis est vite devenu pour eux un « paradis perdu » et ils espèrent traiter dans une vague composante tout ce que l’on n’a pas traité ailleurs. Il en résulte, à notre époque actuelle, un abus du terme « pragmatique » en linguistique…
(Culioli, Desclès, Kaboré, Kouloughli 1981: 65)
En effet, actuellement dans les sciences du langage, la « composante » pragmatique fait l’objet d’un fort mouvement de bourgeonnement (cf Grunig 1979, 1981) auquel on arrive difficilement à donner un visage unifié (pour une tentative dans ce sens: Verschuren 1980). Il s’agit là d’un phénomène qui dénote, chez les théoriciens qui le développent, d’une véritable attitude expansionniste. Or une telle attitude a des fondements, insoupçonnés de bien des linguistes.
L’explication de cette attitude expansionniste est à chercher dans le courant philosophique appelé pragmatisme (cf C.S. Peirce, 1931-1935 et G. Mead, 1938). En tant que doctrine philosophique, le pragmatisme tend à privilégier l’utile au détriment du vrai, l’action au détriment de la pensée, ce qui fait qu’appliqué au langage, il conduit à subordonner syntaxe et sémantique à l’utilité, à l’action, en somme à faire de la pragmatique le réceptacle de toutes les autres branches linguistiques.
(Kleiber 1982: 4a)
Un bref retour aux sources de la genèse de la composante pragmatique va permettre de remarquer que ce sont les chercheurs du Cercle de Vienne qui « se découvrant des affinités avec le mouvement pragmatiste américain, et spécialement avec Peirce, que Charles Morris leur exposait, ont voulu intégrer la perspective pragmatiste sur le langage en ajoutant la pragmatique à la syntaxe et à la sémantique » (Apostel 1967a: 291). Les circonstances d’un tel bricolage théorique et leurs conséquences sur la linguistique sont mal connues. L’investigation oblige en fait à se questionner sur le pragmatisme et ses rapports à la pragmatique. On peut alors avancer que l’empirisme radical de William James a peut-être exercé sur l’ensemble de la question une influence plus grande qu’on aurait pu initialement le croire. Concrètement les faits sont les suivants: la pensée du philosophe américain James n’est que la pointe d’un iceberg idéologique qui est en fait celui des agents concrets de la réalité sociale contemporaine. Il est clair que le citoyen occidental est, de par la réalité historique qui le détermine, empiriste et utilitariste, et qu’il inscrit son souci dans la réalité qui l’entoure en la surdéterminant comme réalité utilitaire.
La préoccupation comme forme phénoménale du travail humain abstrait crée un monde de l’utilité tout aussi abstrait, dans lequel tout se converti en installations utilitaires. Les choses n’y possèdent pas de signification propre, ni d’existence objective; elles n’acquièrent de caractère signifiant qu’en rapport avec leur aptitude à être manipulées. Dans la manipulation pratique (occupation), les choses et les hommes sont instruments et objets de la manipulation et acquièrent leur signification dans un système de la manipulation universelle […]
L’homme comme souci n’est pas seulement projeté dans le monde, qui existe déjà comme réalité finie, mais il se meut dans ce monde, qui est création humaine, comme dans un ensemble d’instruments qu’il sait manipuler sans qu’il doive connaître leur mouvement et leur vérité. Dans sa fonction, l’homme en tant que souci manipule le téléphone, la télévision, l’ascenseur, l’automobile, le tramway sans qu’il ait conscience de la réalité de la technique et du sens de cet appareillage. (Kosik 1978: 50-51)
Une fois posé ces faits fondamentaux et déterminants, on passera à la critique interne en retraçant à l’intérieur de la linguistique le même tendanciel utilitaire qui prendra la forme de l’hypostase du faire utile. L’inversion sujet-prédicat dans l’hypostase2 se posera, par exemple. ainsi:
PARLER C’EST ARGUMENTER (comme hypostase de)
ARGUMENTER C’EST PARLER
Dans une société où on entend souvent argumenter des voyageurs de commerce, il n’est guère étonnant de voir apparaître des théories linguistiques qui confondent une empirie (par exemple: le discours d’un voyageur de commerce) et une généralisation théorique (l’énonciation). On concluera sur le pragmatisme en linguistique en explorant la réplique de Benveniste dont la portée générale constitue un bon point de départ vers la nécessaire sursomption (Aufhebung) de tous les utilitarismes argumentatifs, logicistes voire ludiques (cf. Wittgenstein).
1.0. LA « COMPOSANTE » PRAGMATIQUE
La pragmatique tend, dans la linguistique actuelle, à monopoliser la prise en charge du problème de la relation des marques linguistiques à un sujet énonciateur. Les linguistes se font beaucoup d’illusions sur la composante pragmatique. Ils la confondent soit avec une dimension inter-sujet, soit avec une composante extra-linguistique (conception de la pragmatique fourre-tout comme chez Carnap – cf Caron 1983: 49-50). Le propos du présent exposé est de démontrer que, eu égard aux affiliations théoriques (déterminées, en dernières instances, par des conditions d’émergence, qui n’ont, elles, rien que de très pratiques – Laurendeau 1990a, 1990e) qui amènent la pragmatique à s' »intégrer » à la linguistique, cette « composante » se révèle être une hypostase du faire utile dans l’activité de langage.
Animés par des priorités capitales qui sont celles d’ouvrir le travail linguistique à la prise en charge des problèmes concernant le sujet énonciateur et l’activité langagière, et supposant certains problèmes (notamment celui de la théorie de l’action) résolus d’avance, le linguiste qui se propose d' »intégrer » la pragmatique commence par se donner comme a priori la trichotomie syntaxe/sémantique/pragmatique.
2.0. DU BRICOLAGE DANS LA TRICHOTOMIE MORRISSIENNE
Comme je l’ai déjà signalé, la trichotomie de C. Morris est un bricolage théorique.
La syntaxe et la sémantique furent élaborées pour l’essentiel par le Cercle de Vienne et l’École de Varsovie- Lemberg. La pragmatique au contraire fut créée à ses débuts par des représentants américains de la sémiotique. Le fait que la pragmatique ait été développée aux États-Unis a des raisons historiques. Premièrement la philosophie du pragmatisme a parrainé les travaux de Peirce, Morris et d’autres pour dégager l’aspect pragmatique de la langue. Deuxièmement les analyses sociologiques et behavioristes qui gagnaient du terrain dans les pays capitalistes depuis la fin du siècle précédent furent d’abord entreprises également aux U.S.A. (Klaus 1974: 89)
Les faits se schématisent de la façon suivante:
Empirisme logique Sémiotique et pragmatisme
du cercle de Vienne de Peirce
(Syntaxe/Sémantique) (Pragmatique)
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Morris
(Syntaxe/Sémantique/Pragmatique)
On présente donc classiquement l’entrée de la problématique de l’action sous l’appellation de pragmatique dans les disciplines du signe comme la fusion, dans la théorie sémiotique de C. Morris de l’apport de l’empirisme logique du Cercle de Vienne (syntaxe/sémantique – sur le Cercle de Vienne cf Soulez et Alii 1985; Sebastik, Soulez et Alii 1986) et du pragmatisme qui servait de cadre à la théorie de C.S. Peirce. Ce n’est pas mon propos ici de faire la genèse exhaustive de la fascination et de l’enthousiasme qu’a suscité chez les linguistes la trichotomie syntaxe/sémantique/pragmatique. Certains d’entre eux y voient une sorte de téléologie de l’histoire de leur discipline et affirment en toute décontraction: « L’avènement de la pragmatique s’inscrit logiquement dans le cycle de progression des études linguistiques. Il est tout naturel qu’après le développement de la syntaxe, puis celui de la sémantique, soit survenu l’essor de la pragmatique. » (Kleiber 1982: 3a, voir aussi Maingueneau 1990: 3-4 et Golopentia 1988: 55-59 sur l’articulation des trois composantes, ainsi que Caron 1983 sur le passage de la syntaxe à la sémantique à la pragmatique). Ce qui se dégage de cette sorte de brassage « pluridisciplinaire » (Kleiber 1982: 3b), c’est que l’attrait pour la sémiotique de Peirce et celle de Morris (où on employait le mot pragmatique sans nécessairement amener la chose jusqu’à ses conséquences extrêmes) et pour la philosophie analytique d’Austin et de Searle (où on appliquait la chose pragmatique sans nécessairement la nommer) semble imposer son sort actuel à la problématique énonciative: elle est désignée « pragmatique » mais, surtout, elle est analysée comme un pragmatisme.
Je prétend donc que cette trichotomie est une construction en Y (Berrendonner 1981: 11-14; Laurendeau 1990e: 45-46) c’est-à-dire la suture éclectique de composantes réunies pour de multiples raisons, internes certe, mais aussi externes, ayant pour résultat d’importer artificiellement en linguistique l’idée de « l’indépendance, postulée par les théories des langages formels, des trois plans de la syntaxe (relation signes-signes), de la sémantique (relations signes-objets) et de la pragmatique (relations signes-utilisateurs) et la hiérarchie syntaxe -> sémantique -> pragmatique: cf Carnap, Morris. » (Fuchs 1981: 41). Cette opinion n’est pas partagée par tout le monde. Le philosophe G.G. Granger voit une sursomption (Aufhebung) de la totalité du modèle dans l’adjonction de la composante pragmatique.
En substituant, remarque t’il, à la dichotomie classique syntaxe/sémantique une trichotomie, Morris ne se contente pas d’ajouter un troisième terme, la pragmatique, aux deux autres: il modifie l’économie du système. Au phénomène fondamental d’expression est substitué celui de communication. Pour définir l’objet de la pragmatique, il faut donc déterminer quelles sont les circonstances pertinentes qui apparaissent avec la prise en compte de ce phénomène.
(Caron 1983: 54)
On pourrait discuter ce point assez longuement, citant notamment, parmis de nombreux cas de figure, ces linguistes liant les composantes sémantique et pragmatique si intimement (au profit de cette dernière) qu’ils en viennent à parler de « connecteurs pragmatiques vides » (void pragmatic connectives) pour désigner des joncteurs supposément « désémantisés » par une valeur discursive (dans des exemples du type Où étais-tu ET pourquoi Pierre n’est-il pas encore rentré? – cf Kleiber 4b-5b pour d’intéressantes observations sur le statut fluctuant de la composante sémantique dans l’interprétation, par les linguistes, de la trichotomie). Ceci dit, pour mon propos actuel, « il suffit de constater que la pragmatique, troisième volet de la sémiotique de Morris est rejointe par Austin et Searle » (Jacob 1976: 270). Ceci fait débarquer le pragmatisme chez les philosophes d’Oxford qui, eux-mêmes, sont au carrefour de plusieurs lignes de convergence (cf Nerlich 1986b: 152):
La philosophie du langage d’Oxford, illustrée par John Austin, Gilbert Ryle et Stuart Hampshire, plus connue sous le nom de philosophie analytique, la plus répandue aux États-Unis, soutient des thèses qui sont le partage des pragmatistes et du Wittgenstein des Investigations: l’idée qu’il n’y a pas de connaissance immédiate ni de langage privé, la conception contextuelle et instrumentale de la pensée, l’abandon de la substantialité de l’esprit et de l’ego, de quelque manière qu’on le récuse, logiquement avec le Wittgenstein du Tractatus, socialement avec Peirce, Dewey, Mead et le Wittgenstein des Investigations.
(Deledalle 1983: 215)
Le pragmatisme apparait comme suffisamment prégnant aux théories reliées à la pragmatique pour qu’il convienne de se questionner à son sujet. Or c’est moins vers la très subtile sémiotique de Pierce que vers l’utilitarisme de Dewey et surtout l’empirisme radical de James qu’il convient de se tourner pour dégager les philosophies spontanées de linguistes en matière de pragmatique.
3.0. LA PORTÉE DE LA PENSÉE DE WILLIAM JAMES
La sémiotique de Morris a établi la légitimation du pragmatisme en créant une sorte de filtre entre les instances de consécration concernées (ici notamment les philosophes et les linguistes du champs universitaire) et l’élaboration initiale de cette pensée chez Wiliam James.
Charles Morris (1901-1979) se réclame, comme Lewis, du pragmatisme. Il s’est surtout attaché à développer la théorie peircienne des signes, non sans l’altérer cependant. Son traité de sémiotique Signs, language and Behavior (1946) n’en contribua pas moins, plus que les arguments passionnés de James n’y parvinrent jamais auprès des philosophes, à faire admettre le sérieux de la position pragmatiste aux linguistes et à tous ceux qui, en philosophie et dans les sciences humaines, accordent une place privilégiée aux problèmes du langage.
(Deledalle 1983: 204-205)
De fait la pensée de James, qui selon Deledalle (1983) n’est pas nécessairement à rattacher à son nom spécifique puisqu’elle serait le trait original dominant de la philosophie américaine, est à percevoir comme une pression philosophique et idéologique exercée au début du siècle par une couche asez importante de la population américaine sur ses minorités élitaires intellectuelles (on arrive à sentir ce phénomène en filigrane dans la description quelque peu apologétique de l’évolution de la pensée de James par Perry 1967, voir notamment le chapitre 22 intitulée « Pragmatism ». Sur l’importance du pragmatisme dans de nombreux secteurs de la pensée contemporaine: Lewis et Smith 1980, Bégin et Alii 1984).
Il [William James – P.L.] fit connaitre cette philosophie qu’il appella « pragmatisme » dans de brillantes conférences populaires (Conférences Lowell de Boston, 1906, publiées en 1907: Pragmatism) qui ne convainquirent pas les philosophes, à de rares exceptions près, malgré les mises au point auxquelles les critiques qui lui furent adressées donnèrent lieu (The Meaning of Truth, 1909).
(Deledalle 1983: 146)
De fait, James a canalisé un courant massif de philosophie spontanée et, faute de lui donner une consécration institutionnelle, lui a donné un discours explicite. Il manifeste lui même la conscience de l’historicité de sa pensée.
… le mouvement pragmatiste semble s’être formé assez brusquement, à la manière d’un précipité, dans l’air ambiant. Un certain nombre de tendances, qui avaient toujours existé en philosophie, ont tout à coup et collectivement pris conscience d’elles-même ainsi que de leur mission collective. Ce fait s’est produit en de si nombreux pays, à des points de vue si nombreux qu’on l’a compris de bien des manières fort peu concordantes.
(James 1968: 21)
Le linguiste qui s’intéresse à la genèse de la « composante » pragmatique ne peut pas faire l’économie d’une réflexion critique sur la pensée de James dans ce qu’elle a de proche de celle de l’homme de la rue. Les liens institutionnels entre les penseurs de la philosophie du langage et James sont nombreux. Les fameuses conférences qui forment le recueil How to do things with words « ont été prononcées par Austin à l’Université de Harvard en 1955 dans le cadre des Conférences William James » (J.O. Urmson dans Austin 1970: 33). « Le terme implicature [cf Grice 1979] a été introduit dans la philosophie du langage par Grice au cours de ses conférences en mémoire de William James de 1967/68″ (Lyons 1980: 218). De fait, si le nom de Peirce et le terme semiotic sont aujourd’hui bien connus des linguistes, les noms de Dewey et de William James et le terme pragmatisme le sont beaucoup moins. S’agit-il d’affirmer que William James a exercé sur la linguistique contemporaine une influence plus déterminante que celle de Peirce et de Morris et que cette influence est restée méconnue ou secrète? Pas du tout. Il suffit par exemple de prendre connaisance des vues que William James formule a propos du langage dans son principal essai The Principles of Psychology publié initialement en 1890 pour s’aviser de laur parfaite conformité à la pensée linguistique du temps: « Language is a system of signs, different from the things signified, but able to suggest them » (James 1981: 980). Ce ne sont pas des filiations mécaniques d’idées qui sont décrites ici, mais bien des émergences et des récurrences d’émergences (sur la théorie des émergences: Laurendeau 1990a, Laurendeau 1990e: 42). La source ultime de l’émergence est, bien sûr, extra-idéelle. Austin, Searle ou Ducrot ne citent jamais James ou Dewey dans leurs bibliographies et s’ils mentionnent parfois le pragmatisme, c’est pour s’en démarquer vigoureusement:
Cette conception [des actes illocutoires – P.L.] diffère beaucoup. en nombre de points, des affirmations pragmatistes suivant lesquelles le vrai est ce qui fonctionne, etc. La vérité ou fausseté d’une affirmation ne dépend pas de la seule signification des mots, mais de l’acte précis et des circonstances précises dans lesquelles il est effectué.
(Austin 1970: 148)
Mais le pragmatisme est une idéologie, une idéologie de l' »efficace » (pour reprendre le mot de Fuch 1981: 46 – sur l’utilisation du concept d’idéologie en histoire de la linguistique: Jannot 1975) et comme toute idéologie il peut rejaillir spontanément dans le discours théorique de quiconque vit dans les conditions socio-économiques adéquates et s’adonne à la même discipline.
4.0. L’APPAREIL CONCEPTUEL DU PRAGMATISME
Globalement le pragmatisme est un type particulier d’empirisme dont le premier représentant déclaré fut James (ce dernier dit des philosophes de l’empirisme anglo-saxon Locke, Berkeley et Hume qu’ils sont « the first pragmatists » – Perry 1967: 294). On ne s’étonnera plus que l’empirisme sous-tende la majorité des travaux où la problématique inter-énonciative est traitée comme une pragmatique. On dégage quatre grands tendanciels dans le pragmatisme.
D’abord le pragmatisme paie sa dette envers Kant3 en avançant des positions agnostiques, qui vont s’orienter dans le sens d’un empirisme subjectiviste:
Qu’entendons-nous par exemple quand nous disons qu’une chose est dure? La réponse est simple: que cette chose ne sera pas rayée par un grand nombre d’autres choses que par contre elle raiera. Supposons qu’on ne puisse pas faire la preuve qu’un corps raie un autre corps, pourrait-on alors les différencier, dire que l’un est dur et l’autre mou? « Supposons donc qu’un diamant soit cristallisé au milieu d’un moelleux coussin de coton, et qu’il y reste jusqu’à ce qu’il soit entièrement brûlé. Serait-il faux de dire que ce diamant était mou? » Qu’est-ce « qui nous empêche de dire que tous les corps durs restent parfaitement mous jusqu’à ce qu’on les touche, qu’alors la pression augmente leur dureté jusqu’au moment où ils sont rayés? La réflexion montre qu’il n’y aurait pas de fausseté dans cette façon de parler. Elle implique (…) une modification dans l’emploi actuel des mots dur et mou dans la langue, mais non de leur signification. » La signification d’une propriété comme de toute autre chose est « la somme de ses effets conçus par nous. Il n’y a pour nous aucune différence entre une chose dure et une chose molle tant que nous n’avons pas fait l’épreuve de leurs effets. »
(Deledalle 1983: 72)
En linguistique on va observer des phénomènes d’agnosticisme à l’égard des concepts pragmatiques ébauchés au fil de la prise de contact avec l’empirique. Spontanément méfiant à l’égard de la généralisation, on affiche de se donner des hypothèses interchangeables susceptibles de varier selon l’humeur des théoriciens comme le dur et le mou varie selon les subjectivités qui les appréhendent:
… les notions qui ont été évoquées ici – dérivation illocutoire, délocutivité généralisée, hypermarqueur, surdélocutivité, verbes formulatifs – sont sans doute critiquables à bien des égards. Nous ferons remarquer qu’elles ne sont que les conséquences – le coût théorique – des hypothèses générales faites sur l’illocutoire, et d’hypothèses particulières faites lors de la constitution des observables. On peut donc toujours les falsifier, si l’on entend par là qu’il est toujours possible de remplacer un coût théorique par un autre. Par exemple on pourra, à la Récanati, contribuer d’une façon plus explicite à la pragmatique, ou comme B. de Cornulier, considérer les choses avec beaucoup de détachement.
(Anscombre 1980: 122-123)
Deuxièmement le pragmatisme place très haut dans ses priorités la téléologie4. La philosophie analytique hérite directement de cette vision et en pénètre intimement, non seulement sa définition même de l’activité langagière (« Mais il est essentiel pour les actes illocutionnaires et propositionnels, que les mots soient prononcés à l’intérieur de phrases, dans certaines situations, sous certaines conditions, et avec certaines intentions… – Searle 1972: 62), mais aussi sa conception de la mécanique intime de l’acte illocutoire:
Un effet doit être produit sur l’auditoire pour qu’un acte illocutoire puisse être tenu pour achevé. Comment expliquer cela au mieux? Et comment préciser ce qui se passe? L’effet consiste la plupart du temps à provoquer la compréhension de la signification et de la valeur de la locution. L’exécution d’un acte illocutoire inclut donc l’assurance d’avoir été bien compris (the securing of uptake)
(Austin 1970: 124)
En linguistique cette vision téléologique va se localiser dans le but de l’énonciation. On est ramené à la thèse centrale d’Anscombre et Ducrot:
Pour nous, tout énoncé se présente comme destiné à obtenir certaines conséquences de nature discursive; tout énoncé parle donc des motivations de sa propre énonciation, i.e. des intentions qu’il présente comme celles pour lesquelles il a été énoncé […].
Considérons que le sens des énoncés est la description des intentions qu’il présente comme celles motivant son énonciation; appelons pragmatique l’étude des valeurs intentionnelles liées à l’énonciation, pragmatique intégrée la partie de la pragmatique qui considère que certaines de ces valeurs sont incluses dans le sens de l’énoncé.
(Anscombre 1980: 63-65)
Troisièmement l’agnosticisme et le finalisme vont s’associer à l’empirisme et au subjectivisme dans la conceptualisation des pragmata:
On entend souvent par la pratique le concret, l’individuel, le particulier et l’effectif en les opposant à l’abstrait, au général et à l’inerte. Pour moi, chaque fois que j’ai insisté sur la nature pratique de la vérité, c’est évidemment ce que j’avais dans l’esprit. Les « pragmata » sont les choses dans leur pluralité et dans mon ancienne conférence en Californie où je définissais le pragmatisme comme la doctrine, selon laquelle « le sens d’une proposition doit toujours être ramené à quelque conséquence particulière de notre expérience pratique, future, passive ou active », j’ajoutais expressément ces mots: « Notons bien le fait que l’expérience doit être particulière plutôt qu’elle doit être active. ».
(James cité par Schneider 1955: 408)
Vision dont Ducrot hérite directement:
J’appelle « activité linguistique » l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui rendent possible la production de la parole, chez un individu donné, en un point particulier de l’espace et du temps: en fait partie tout ce que Austin appelle « actes locutionnaires »…
(Ducrot 1980b: 29)
L’appareil conceptuel du pragmatisme est dès lors reconstruit:
Agnosticisme: JE NE ME PRONONCE PAS SUR AUTRE CHOSE
Empirisme: QUE SUR DES ACTIONS PARTICULIERES
Finalisme: ENTRAINANT DES CONSÉQUENCES
Subjectivisme: POUR MOI.
Dans les sciences du langage, on citera, parmis de nombreux autres exemples, la définition programmatique suivante, aussi limpide que sereine quant à sa philosophie spontanée:
En d’autres termes, il y a pragmatique linguistique si l’on considère que l’utilisation du langage, son appropriation par un énonciateur s’adressant à un allocutaire dans un contexte déterminé, ne s’ajoute pas de l’extérieur à un énoncé, mais que la structure du langage est radicalement conditionnée par le fait qu’il est mobilisé par des énonciations singulières et produit un certain effet à l’intérieur d’un certain contexte, verbal et non verbal.
(Maingueneau 1990: 2-3)
C’est donc le concept central de felicity (« réussite » – à son sujet, voir les observations critiques de Culioli 1985: 7-8) qui englobe les quatre tendanciels dégagés. On rejoint alors tous les problèmes de « conditions de réussite » (Maingueneau 1990: 8-9), « implicatures », etc, importés sans contrôle depuis une certaine philosophie du langage, dont on a grandement mésestimé l’ignorance des problèmes spécifiques de la linguistique descriptive qui la caractérise. Ne citons pour exemple de cette méconaissance mutuelle entre philosophie analytique et linguistique de l’énonciation que le simple fait que la définition de l’acte illocutionnaire défectueux chez Searle repose sur
… une condition générale propre à l’ensemble des actes illocutionnaires (et, de façon analogue, à d’autres types de comportement), établissant qu’un acte est défectueux si le but à atteindre en satisfaisant à la règle essentielle, est déjà atteint. Cela n’a par exemple, aucun sens [N.B. aucun sens – P.L.] de dire à quelqu’un de faire quelquechose, s’il est absolument certain qu’il va le faire de toute manière.
(Searle 1972: 112)
5.0. LE PRAGMATISME COMME IDÉOLOGIE
Dans le sens du pragmatisme comme courant philosophique, le concept de réussite est identifié à celui de vérité. « L’idée qui réussit est ce que Dewey appelle une idée vraie. L’idée peut donc être définie comme l’accord de l’idée et du fait, comme le veut la tradition » (Deledalle 1983: 176). De plus, le pragmatisme est plus qu’un système philosophique, c’est une idéologie ambiante générée et régénérée par les rapports de force socio-économiques actuels. Sa prégnance sur la réflexion théorique en linguistique n’en est qu’accentuée. James est révélateur très précisément à cause de ce qui fait son discrédit aux yeux de la philosophie élitaire: il s’est comporté comme une sorte de « détaillant » de la théorie, n’hésitant pas à couler explicitement ses propositions philosophiques dans le discours des rapports de commerce. Cela s’applique à son finalisme lorsqu’il parle « des idées qui paient » (James 1968: 154). Cela s’applique aussi à son agnosticisme:
En fait, la vérité vit à crédit, la plupart du temps. Nos pensées et nos croyances « passent » comme monnaie ayant cours, tant que rien ne les fait refuser, exactement comme les billets de banque tant que personne ne les refuse.
(James 1968: 148)
ainsi qu’à son subjectivisme et à son empirisme:
Le pragmatisme, lui, pose ici sa question habituelle: « étant admis qu’une idée, qu’une croyance est vraie, quelle différence concrète va-t-il en résulter dans la vie que nous vivons? De quelle manière cette vérité va-t-elle se réaliser? Quelles expériences vont se produire, au lieu de celles qui se produiraient si notre croyance était fausse? Bref, quelle valeur la vérité a-t-elle, en monnaie courante, en termes ayant cours dans l’expérience? [je souligne – P.L.]
(James 1968: 143-144)
La portée de la pensée de William James, c’est là qu’elle se trouve, dans cette façon qu’elle a d’être un reflet du climat idéologique ambiant dans lequel naît et renaît la théorie pragmatique. On ne s’étonnera plus, dès lors, de certaines affirmations de Ducrot:
Selons nous, tous les énoncés d’une langue se donnent, et tirent leur sens du fait qu’ils se donnent, comme imposant à l’interlocuteur un type déterminé de conclusion. Toute parole, au fond d’elle même, est publicitaire. Elle n’est pas publicitaire seulement par le fait qu’elle véhicule certaines informations qui se trouvent autoriser certaines conclusions. Elle est publicitaire par le fait que sa valeur interne se confond avec la suite qu’elle réclame.
(Ducrot 1980: 11-12)
6.0. PRAGMATISME ET JURIDISME
Il apparaît donc indispensable de relier le pragmatisme à l’idéologie des classes moyennes américaines sinon à l’Amérique en général. Cette idéologie est elle-même à mettre en rapport avec les conditions socio-historiques qui façonnent les conceptions de la culture et de la langue, à l’époque de la colonie d’abord:
S’installer pour survivre dans un espace inconnu (vierge aux yeux de colons civilisateurs), se confronter à une extériorité à la fois attirante et hostile, cela produit une toute autre culture, et surtout une autre signification du mot culture, dont l’intelligence américaine héritera: la culture comme intelligence pratique adaptée à des buts de survie et d’expansion. Dans ce contexte, la langue quitte l’espace européen du dressage (par la répétition, l’interprétation et le commentaire) et devient un organe outil du sujet, l’un des moyens par lesquels il s’exprime, communique avec son entourage et agit sur lui: cela explique que l’enseignement de la langue maternelle américaine présente cette particularité d’être un enseignement sans grammaire, sans apprentissage de règles et sans exercice formel au sens européen du terme.
(Gadet et Pêcheux 1981: 203)
mais aussi -et surtout- aujourd’hui où l’adaptation passe carrément au conformisme. Sur la caractère réactionnaire du pragmatisme, je renvois à Lénine 1973a: 380 note 103. La portée de la question n’est pas strictement philosophique. Ainsi, chez Austin, le gros de ce conformisme va se sublimer dans le caractère rigide voire rigoriste des modalités situationnelles nécessaires à la réussite d’un acte performatif.
Quel exemple donner? Considérons la phrase: « Nous voilà divorcés! », adressée par un mari à son épouse, en pays chrétien, l’un et l’autre étant chrétiens plutôt que mahométans. Ici, quelqu’un pourrait dire: « Reste qu’il n’a pas divorcé (avec succès), car c’est une autre procédure, verbale ou non verbale, que nous reconnaissons, à l’exclusion de toute autre « ; ou peut-être même: « Nous (nous) n’admettons absolument aucune procédure de divorce – le mariage est indissoluble ».
(Austin 1970: 58)
On lève alors le rideau sur le problème très important de l’hypostase du juridique dans la théorie des actes de langage: le JURIDISME (Fuchs 1981: 46, Grunig 1979) de la pragmatique. Celle-ci se passe en effet très difficilement de contraintes juridiques (auxquelles l’agent parvient ou ne parvient pas à se conformer) lorsqu’elle tente d’élaborer les concepts de réussite et de défectuosité:
Il s’agit de défectuosités. Elles se produisent lorsqu’on emploie, par exemple, de mauvaises formules: la procédure convient aux personnes et circonstances, mais ne se déroule pas correctement. On trouve plus facilement des exemples en matière de droit; la vie courante, où règne plus d’indulgence, n’offre pas de cas aussi nettement définis.
(Austin 1970: 65)
Le jeu scolastique d’Austin va très souvent consister à rechercher dans le discours juridique une légitimation à sa théorie du performatif « ordinaire ».
Il vaut de noter que dans la loi américaine sur le témoignage – à ce qu’on m’a signalé -, le fait de rapporter ce qu’un autre a dit est accepté comme témoignage à charge ou à décharge. pour peu que les paroles en question constituent une énonciation du type de notre performatif. Car on considère ces paroles comme rapportant non pas tellement ce qu’un tel a dit – il s’agirait alors d’un ouï-dire, non recevable comme témoignage – mais plutôt ce qu’il a fait, une action sienne. Cela rejoint parfaitement nos impressions initiales sur les performatifs.
(Austin 1970: 48)
Ces observations ne sont pas nouvelles. Benveniste a déjà signalé le caractère intrinsèquement juridique du concept austinien de performatif… non sans exposer, de façon beaucoup plus explicite qu’Austin, l’acuité du rapport de forces:
De toute manière, un énoncé performatif n’a de réalité que s’il est authentifié comme acte. Hors des circonstances qui le rendent performatif, un tel énoncé n’est plus rien. N’importe qui peut crier sur la place publique: « je décrète la mobilisation générale ». Ne pouvant être acte faute de l’autorité requise, un tel propos n’est plus que parole; il se réduit à une clameur inane, enfantillage ou démence. Un énoncé performatif qui n’est pas acte n’existe pas. Il n’a d’existence que comme acte d’autorité. Or les actes d’autorité sont d’abord et toujours des énonciations proférées par ceux à qui appartient le droit de les énoncer. Cette condition de validité, relative à la personne énonçante et à la circonstance de l’énonciation, doit toujours être supposée remplie quand on traite du performatif.
(Benveniste 1963: 273)
Dix-sept ans plus tard, cette conscience disparait chez Ducrot qui accentue l’hypostase austinienne du juridique. Désormais l’énoncé ne présuppose pas les contraintes mais les crée et crée l’exigence qu’on a de s’y conformer.
Bref, si faire un acte illocutoire, c’est prétendre que son énonciation vaut comme un contrat liant les interlocuteurs, et si le sens des énoncés comporte une mention des actes illocutoires accomplis grâce à lui, il faut dire que tout énoncé représente son énonciation, en spécifiant les différents contrats dont elle est censée être la source (N.B. J’ai par ailleurs été amené à penser qu’un même énoncé peut être accomplissement de différents actes illocutoires simultanés, c’est-à-dire présenter à la fois plusieurs caractérisations juridiques de son énonciation […]).
(Ducrot 1980b: 30-31)
Ce passage des contraintes juridiques de l’extérieur à l’intérieur, cette intériorisation – profondément conformiste – des rapports de force d’une société donnée à l’intérieur d’une théorie censée traiter de la totalité de l’interaction langagière a été dénoncé même par les pragmaticiens eux-mêmes.
L' »illocutoire » est ainsi bien souvent le lieu de la polémique, de la lutte pour être reconnu le maître. Aussi, lier l’accomplissement de l’acte de langage aux « bonheurs » (vs « malheurs ») qu’il peut connaître, comme le fait Austin, c’est prendre parti dans la polémique en faveur de plus fort: cela mène à restreindre la classe des actes de langage à ceux qui se trouvent conformes à la norme dominante. Les autres, y compris les révoltes et les iconoclasmes, ne sont plus des actes, mais des erreurs ou des ratés. Dénier ainsi la valeur d’acte à tout énoncé qui en appelle à une norme subversive ou particulière, c’est, me semble-t-il, pratiquer une simplification abusive, et manifester des penchants dangereusement conformistes.
(Berrendonner 1981: 99-100)
C’est la rançon d’une pragmatique, héritière de l’idéologie des classes moyennes nord-américaines (puis occidentales), idéologie de valet des dominants, explicite dans cette exclamation écrite par le juge Olivier Wendell Holmes, chef reconnu du pragmatisme juridique, dans Speeches en 1913 (et cité dans Schneider 1955: 430): « La vie est action, exercice de ses pouvoirs. Les utiliser jusqu’à leur comble, c’est là notre joie et notre devoir, et c’est là une fin qui se justifie d’elle même. » On posera donc que le pragmatisme en linguistique est une philosophie spontanée (qui a eu des ténors élitaires: Peirce et Mead mais aussi des ténors roturiers: Dewey et surtout James) dont le principal tendanciel consiste à hypostasier l’acte utile.
7.0. HYPOSTASE DE L’ACTE UTILE DANS LES SCIENCES DU LANGAGE
Comme théorie de l’action, le pragmatisme avance une hypothèse abâtardi de la praxis. On ramène ce complexe problème à celui de l’action ponctuelle, finalisée, utile. « Et on va jusqu’à identifier la praxis à la technique au sens le plus large du terme, à savoir la manipulation technique de l’action, le savoir-faire, l’art de « comprendre » et de manipuler les hommes et les objets. » (Kosik 1978: 148-149). Je me propose maintenant de clore cette critique de la composante pragmatique en linguistique en décrivant brièvement le fonctionnement de cette hypostase de l’acte utile principalement dans le discours de Searle, d’Austin et de Ducrot.
Il convient d’abord d’insister sur un fait capital: il y a absence de théorie de l’action explicite dans le discours de la philosophie du langage et dans les approches linguistiques d’inspiration pragmatique. Ce profond malaise, que certains théoriciens cherchent parfois à résorber sur le tas (voir « Actes de langage et théorie de l’action » dans Golopentia 1988: 21-31), est déjà signalé par le traducteur d’Austin qui mentionne le manque de précision du concept d’acte:
L’acte qui est produit en disant quelque chose (l’acte d’illocution) semble moins lié au caractère « physique » des paroles que ne le serait l’acte de dire quelque chose (l’acte de locution). Peut-être faudrait-il distinguer ici les deux « agir » qui sont à l’oeuvre, et rechercher le terme visé par l’acte d’illocution. Austin n’entrera pas dans cette problématique, bien qu’il cherche toujours à reconnaître tout ce que nous pourrions viser à « faire », par nos paroles.
(Austin 1970: 175 note 33 du traducteur)
Cette absence de théorie effective de l’action entre en tension dialectique avec la plus fondamentale intention du projet pragmatique qui est de réduire l’énonciateur à un usager des signes linguistiques, donc fondamentalement à un agent…
Il est donc impossible de dire quelqu’un usager de signes sans développer une théorie de l’action, puisque c’est suivant l’influence qu’il a sur les dispositions à l’action qu’un signe est un signe. Il n’est pas plus possible de développer une théorie pragmatique sans envisager l’ensemble des actions possibles d’un individu, l’ensemble des signes que cet individu peut émettre ou recevoir et le choix que le signe opère dans cet ensemble d’actions.
(Apostel 1967a: 303-304)
Là où la plus prudente dialectique de la totalité concrète5 aurait été plus que jamais de rigueur, les empiristes d’Oxford vont se contenter d’une timide prise en compte de cette totalité5. Il arrivera à Austin de concéder « que l’énonciation performative ici n’est pas toute l’action, qui, en fait, se déroule dans le temps et comporte divers éléments. » (Austin 1970: 87). Mais sa démarche va plutôt aller dans le sens d’une substantification du gestus social qui produit le performatif, dans ce performatif lui-même : « Quand je dis, à la mairie ou à l’autel, etc., « Oui (je le veux) », je ne fais pas le reportage d’un mariage: je me marie. » (Austin 1970: 41).
D’autre part, la substantification d’une téléologie à l’énonciation c’est l’argumentation. Chez Ducrot (cf Anscombre et Ducrot 1983), le fait est patent:
Or le thème central de la théorie argumentative est que le sens d’un énoncé contient une allusion à son éventuelle continuation: il lui est essentiel d’appeler tel ou tel type de suite, de prétendre orienter le discours ultérieur dans telle ou telle direction. S’il est argumentatif, ce n’est pas seulement par ce qu’il dit sur le monde, mais par ce qu’il est, si on le considère en lui même: certes, on ne saurait prévoir ce qui va effectivement lui faire suite: peut-être le silence, ou une fin de non recevoir, ou un coup de poingt. Mais il y a une suite « prétendue », celle qu’il donne comme sa raison d’être, et celle-ci est autant en lui que hors de lui.
(Ducrot 1980: 11)
Si je la représente (comme dans Laurendeau 1986: 5.1.) à l’aide de tournures syntaxiques inversées, l’hypostase du téléologique dans le pragmatisme se schématise ainsi:
UNE THÉORIE DE L’ACTE FINALISÉ UTILE, C’EST UNE THÉORIE DE L’ACTION (PARMIS D’AUTRES)
Hypostase:
UNE THÉORIE DE L’ACTION, C’EST (INÉVITABLEMENT) UNE THÉORIE DE L’ACTE FINALISÉ UTILE
Mais l’hypostase de l’acte utile va se révéler plus complexe encore. A la vieille substantification de l’acte utile héritée du pragmatisme va se coupler une hypostase du référentiel dans le linguistique. C’est là que ces actions sociales complexes qui intègrent le langage dans leur déploiement vont se trouver réduites à des actes de langage. Et c’est là qu’on touche le point d’intersection entre linguistique et philosophie du langage. On sait que l’entreprise initiale d’Austin était celle d’une réflexion philosophique à partir d’une analyse des indices fournis sur la pensée par le « langage ordinaire ». L’hypostase du faire utile va amener Austin à s’arrêter de façon spécifique sur des marqueurs linguistiques utiles à son propos:
Ainsi « Par le fait de dire…, je l’avertissais (je l’ai averti) ». Mais « par » n’est pas employé en ce sens, avec les verbes perlocutoires. Dans « Par le fait de dire…, je l’ai convaincu (persuadé) », « par » aura le sens d’un moyen employé en vue d’une fin ou, du moins, définira la manière ou la méthode utilisée. La formule « par » est-elle jamais employée en ce sens de moyen en vue d’une fin, avec un verbe illocutoire? Il semble qu’elle le soit au moins dans deux sortes de cas : (…)
Lorsque nous employons un moyen verbal pour faire une chose, au lieu d’un moyen non verbal; lorsque nous parlons au lieu d’employer un bâton. Ainsi dans l’exemple « Par le fait de dire Oui (je prends cette femme), je me mariais avec elle », le performatif « oui » est un moyen dont le mariage est la fin.
(Austin 1970: 135)
C’est tout un biais dans l’analyse des marqueurs linguistiques qui est ainsi instauré: on tend à privilégier, parmi les opérations qu’ils construisent, celles qui les rapprochent d’actions ponctuelles à objectifs finalisés. L’attention se cristallise alors sur « ce qui touche à l’efficacité du discours en situation » (Maingueneau 1990: 1). Les travaux sur les « particules », « mots du discours » et autres « connecteurs » des quinze dernières années font souvent penser à ce genre de description empirique:
…nous pouvons employer « néanmoins » en lui donnant la valeur de « J’insiste pour que »; « donc » avec la valeur de « Je conclus que »; et « bien que » avec la valeur de « Je concède que ». Rappelez-vous aussi les emplois de « alors que », « par les présentes » et « en outre ». On vise un but semblable quand on emploie des titres comme « Manifeste », « Acte », « Proclamation », ou le sous-titre « Roman ».
qui est d’Austin (1970: 95). Il faudrait reprendre ce grand nombre d’études particulières de marqueurs linguistiques et les travailler à partir de la double critique de l’hypostase de l’acte utile dans la théorie implicite de l’action et de l’hypostase du mouvement des éléments de la situation concrète dans les formes linguistiques. Cet important travail reste à faire.
8.0. LA RÉPLIQUE DE BENVENISTE
Le pragmatisme en linguistique appelle (et a appellé) moins une réfutation qu’une sursomption… Un historique de la réplique donnée tendanciellement par les linguistes aux superfétations pragmatistes au sein de leur discipline prouverait qu’elle est de beaucoup antérieure à Austin et Searle et s’avère, en fait, à peu près contemporaine à la poussée de cette idéologie sur le plan philosophique (élitaire), imputable à W. James au début du siècle.
L’école de Prague est une instance chez laquelle s’est explicitement manifesté la résistance au pragmatisme:
Face à des tendances pragmatistes s’orientant trop exclusivement selon le langage courant où prédomine l’emploi du langage en tant que moyen de communication, les Pragois mettent en jeu la pluralité des fonctions linguistiques. Ils doivent leur esprit ouvert à l’égard de cette pluralité avant tout à leur familiarité avec la littérature et la poésie où ce n’est précisément pas l’orientation communicative vers le signifié mais l’orientation esthétique vers le signifiant qui prédomine.
(Holenstein 1974: 144)
Le second Wittgenstein, pour sa part, sans renier « la solidarité initiale du langage et de l’action » dépasse l’hypostase de l’acte utile au moins au plan de la prise en compte lorsqu’il y substitue ce qui risque de devenir une autre hypostase: les jeux (à ce sujet, cf Meyer 1982: 70-76). Avant la lettre, les actes de langage d’Austin et Searle sont déjà sursumés dans les jeux wittgensteiniens, premier exemple frais d’une appréhension de la totalité concrète à propos du langage:
Commander, interroger, raconter, bavarder, appartiennent à notre `histoire naturelle’ autant que marcher, manger, boire jouer » (v. 25, p. 126). Quant à la multiplicité de ces jeux, il la souligne par l’énumération suivante (v. 23, p. 125): « Commander, et agir d’après des comandements. Décrire un objet d’après son aspect, ou d’après des mesures prises. Reconstituer un objet d’après une description (dessin). Rapporter un événement. Faire des conjectures au sujet d’un événement. Former une hypothèse et l’examiner. Représenter les résultats d’une expérimentation par des tables et des diagrammes. Inventer une histoire, et lire. Jouer du théâtre. Chanter des « rondes ». Deviner des énigmes. Faire un mot d’esprit; raconter. Résoudre un problème d’arithmétique pratique. Traduire d’une langue dans une autre. Solliciter, remercier, maudire, saluer, prier.
(Wittgenstein cité par Jacob 1976: 275-276)
Le langage comme négation de l’acte finalisé, pour sa part, fait l’objet d’une attention précoce. B. Malinowski en 1923 signale déjà la grande importance des discours qui s’autonomisent face à la situation concrète:
Le cas du langage employé dans des rapports sociaux libres, sans but, mérite une considération spéciale. Quand des gens s’assoient ensemble auprès d’un feu de village après avoir achevé leurs tâches quotidiennes ou quand ils causent pour se délasser du travail, ou quand ils accompagnent un travail simplement manuel d’un bavardage sans rapport avec ce qu’ils font, il est clair qu’ici nous avons affaire à à une autre manière d’employer la langue, avec un autre type de fonction du discours. Ici la langue ne dépend pas de ce qui arrive à ce moment, elle semble même privée de tout contexte de situation. Le sens de chaque énoncé ne peut être relié avec le comportement du locuteur ou de l’auditeur, avec l’intention de ce qu’ils font.
(Malinowski cité par Benveniste 1970: 87)
Benveniste a apporté une solide réplique à l’irruption du pragmatisme en linguistique. Elle est, certes, datée historiquement et marquée au coin de l’idéologie du langage-expression, mais demeure une féconde mine de réflexion sur ce complexe problème. Je m’inscris fermement en faux face à certains épistémologues de l’historiographie linéaire qui nous « annoncent une pragmatisation de la théorie de l’énonciation postbenvenistienne » (Nerlich 1986b: 151). On pourrait résumer la réplique de Benveniste au pragmatisme par le mot suivant: « Nous faisons de la langue que nous parlons des usages infiniment variés, dont la seule énumération devrait être coextensive à une liste des activités où peut s’engager l’esprit humain ». (Benveniste 1958: 63). Le fondateur de la linguistique énonciative a bien senti les deux hypostases analysées ici. D’abord celle de l’acte de langage utile ou – dans le langage européen – de la « fonction » linguistique est confrontée à la sursomption du langage dans la totalité de la praxis.
Quelles sont ces fonctions? Entreprendrons nous de les énumérer? Elles sont si diverses et si nombreuses que cela reviendrait à citer toutes les activités de parole, de pensée, d’action, tous les accomplissements individuels et collectifs qui sont liés à l’exercice du discours: pour les résumer d’un mot, je dirais que, bien avant de servir à communiquer, le langage sert à vivre.
(Benveniste 1967: 217)
Cette formule -forte- qui n’a pas été reprise, procède en partie d’un coup de force inverse (celui du linguistique dans la vie, cette fois) chez Benveniste. On ne s’étonnera donc pas que trois ans plus tôt, dans sa critique d’Austin, il ait finement décortiqué la seconde hypostase que j’ai dégagé plus haut, celle qui substantifie toute la praxis dans le seul énoncé linguistique (ramené ici à l’unité chien sur un écriteau):
Un second équivalent de l’énoncé performatif serait, selon M. Austin, l’avertissement donné par un écriteau: « Même le mot « chien » à lui seul peut parfois… tenir lieu de performatif explicite et formel: on effectue par ce petit mot le même acte que par l’énoncé « je vous averti que le chien va vous attaquer » ou bien par « Messieurs les étrangers sont avertis qu’il existe par ici un chien méchant ». ». En fait, il y a lieu de craindre ici encore les effets d’une confusion. Sur un écriteau, « chien » est un signal linguistique, non une communication et encore moins un performatif. Dans le raisonnement de M. Austin, le terme « avertissement » a un rôle ambigu, étant pris en deux sens distincts. N’importe quel signal « iconique » ou linguistique (panneau, enseigne etc) a un rôle d' »avertissement ». Le klaxon d’une auto est appelé « avertisseur ». De même l’écriteau « Chien » ou « Chien méchant » peut bien être interprété comme un « avertissement », mais c’est néanmoins tout autre chose que l’énoncé explicite « je vous avertis que… ». L’écriteau est un simple signal: à vous d’en tirer la conclusion que vous voudrez quant à votre comportement. Seule la formule « je vous avertis que… » (supposée produite par l’autorité) est performative d’avertissement. Il ne faut pas prendre l’implication extralinguistique comme équivalent de l’accomplissement linguistique; ces espèces relèvent de deux catégories entièrement différentes. Dans le signal, c’est nous qui suppléons la fonction d’avertissement.
(Benveniste 1963: 275-276)
Ferme d’une part face aux hypostases pragmatistes, Benveniste n’en évacue pas pour autant l’acte finalisé de la pratique linguistique. On peut mentionner, par exemple, son analyse de l’impératif où, étroitement ceinturé, le terme « pragmatique » opère exactement selon sa signification fondamentale:
Il en va tout autrement à l’impératif. Nous avons ici affaire à une modalité spécifique du discours; l’impératif n’est pas dénotatif et ne vise pas à communiquer un contenu, mais se caractérise comme pragmatique et vise à agir sur l’auditeur, à lui intimer un comportement.
(Benveniste 1963: 274)
Fin tacticien, il s’approprie LES ÉLÉMENTS CRUCIAUX DE LA PROBLÉMATIQUE DISCURSIVE tout en filtrant méthodiquement les déviations épistémologiques du pragmatismes hors du champs de son activité de linguistique descriptive. Cela signifie notamment que lorsqu’il fait référence à leur réflexion, il laisse ostensiblement aux prgamatistes la responsabilité du modèle trichotomique, comme dans la formulation suivante, cruciale dans sa subtilité:
Entre je et un nom référant à une notion lexicale, il n’y a pas seulement les différences formelles, très variables, qu’impose la structure morphologique et syntaxique des langues particulières. Il y en a d’autres, qui tiennent au processus même de l’énonciation linguistique et qui sont d’une nature plus générale et plus profonde. L’énoncé contenant je appartient à ce niveau ou type de langage que Charles Morris appelle pragmatique, qui inclut, avec les signes, ceux qui en font usage.
(Benveniste 1956: 251-252)
La linguistique énonciative introduit ainsi l’enclave de sa spécificité en arc-boutant sa résistance face à deux plaques immenses en pression l’une sur l’autre: celle de la linguistique structuraliste et celle de la philosophie du langage pragmatiste. On a affaire chez Benveniste à rien de moins qu’un POST-STRUCTUALISME (qualificatif préférable à celui de « néo-structuralis[m]e » du à Fuchs 1981: 42, qui décrit par ce terme les écoles linguistiques où « l’on voit dans l’énonciation une sorte de prolongement du structuralisme », Fuchs 1981: 50) NON-PRAGMATISTE. De fait, Benveniste renvoie la « composante » pragmatique aux logiciens (néopositivistes – on sait que la pragmatique développe aussi un formalisme, cf notamment Nef 1986, Golopentia 1988. Pour une étude sur les liens entre le pragmatisme et la logique à partir de l’oeuvre de Dewey: Thayer 1952) et prend en charge au nom du linguiste rien de moins que le démantèlement de la trichotomie. Il avance alors des positions qui seront reprises par la théorie des opérations énonciatives et notamment par Culioli (1982) dans ses propositions pour une hypersyntaxe (Benveniste pour sa part penche plutôt pour une hypersémantique – la nuance est terminologique. Ce qui compte c’est la sursomption des « composantes » réclamée par la linguistique de l’énonciation):
Pour ce qui est de la distinction admise en logique entre le pragmatique et le sémantique, le linguiste, je crois, ne la trouve pas nécessaire. Il est important pour le logicien de distinguer d’un côté le rapport entre la langue et les choses, c’est l’ordre sémantique; et de l’autre, le rapport entre la langue et ceux que la langue implique dans son jeu, ceux qui se servent de la langue, c’est l’ordre pragmatique. Mais pour un linguiste, s’il peut être utile de recourir à cette sous-division à tel moment de l’étude, en principe, une pareille distinction de principe n’est pas nécessaire. A partir du moment où la langue est considérée comme action, comme réalisation, elle suppose nécessairement un locuteur et elle suppose la situation de ce locuteur dans le monde. Ces relations sont données ensemble dans ce que je définis comme la sémantique.
(Benveniste 1967: 234)
Les éclairages benvenistien et culiolien, autant que la critique historique de l’émergence de la composante pragmatique, imposent des conclusions nettes. Conception non-dialectique de la praxis, le pragmatisme reste tributaire de ses trois principaux tendanciels: l’empirisme (l’acte particulier – là où la théorie des opérations énonciatives culiolienne construit la situation énonciative comme généralisable), le finalisme (l’acte utile – là où la théorie des opérations énonciatives revendique tous les corpus d’énoncés comme relevant de la linguistique – cf Laurendeau 1986: 5.3.1.) et le subjectivisme (L’acte d’un énonciateur émetteur-individuel luttant pour imposer sa version à un locuteur-réceptacle – là où la théorie des opérations énonciatives avance le couple paramétrable énonciateur/co-énonciateur comme fondement de l’activité de langage). Le structuralisme classique et la pragmatique sont tous les deux à dépasser… « [m]ais il ne saurait exister une théorie du langage qui nierait l’ancrage des langues naturelles dans des situations » (Culioli 1967: 67a).
NOTES:
[1] Un exemple patent de la confusion entre l’énonciatif et le pragmatique qui règne dans la linguistique actuelle est le développement que Maingueneau (1990: 16-18) consacre à Culioli sous la rubrique « Interaction » du premier chapitre de son ouvrage, sensé fournir des « Notions de pragmatique » à un lecteur de formation littéraire. La théorie des opérations énonciatives se voit intimement associée à une définition du langage « comme une activité qui modifie une situation en faisant reconnaitre à autrui une intention pragmatique ». On peut pourtant citer Culioli lui-même, donnant la réplique dans son séminaire (avec cinq ans d’avance, au demeurant), à un tel aplatisement de sa pensée:
« Toute une partie des postulats, les conventions de la pragmatique, avec une simplification nécessaire certes mais aussi de l’apriori d’ordre sociologique qui sont [sic] culturellement liés à une certaine pratique du langage, ont tranché et ramené l’activité de langage à une activité claire entre des gens qui veulent coopérer pour aboutir à un résultat que le premier voulait avoir en tête et que le second cherchait à dégager. Nous voyons bien que toute une partie des critiques qui ont été faites sont justifiées car tout cela est culturellement très marqué et que toute une partie de l’activité symbolique que nous avons va s’étendre même dans les domaines les plus aptes à avoir cette plus belle transparence.
La position adoptée avec « felicity », c’est que ça réussit, (même dans certains cas ça peut échouer) et que l’on considère seulement les cas de réussite. La position que j’adopte, c’est que si ça réussit, ça réussira parce que cette réussite aura été conquise, elle ne sera pas d’emblé donnée: il y aura des ajustements, des ratés éventuellement, et à un moment donné on repartira et on aboutira ainsi à ce qu’on peut appeler une communication réussie. »
(Culioli 1985: 7-8)
« Nous devons toujours travailler sur des formes, alors que la pragmatique travaille sur les effets, sur les emplois et elle se préoccupe assez peu des formes autrement que comme de simples vecteurs qui portent des significations. Ce qui nous importe, à nous, c’est de voir comment on passe d’une forme à une autre, comment on va introduire telle valeur par superposition de deux formes, i.e. une modulation. »
(Culioli 1985: 74)
[2] Le concept d’hypostase (Laurendeau 1986: 104-105) a été développé par G. Della Volpe (1977). Hypostasier un aspect d’une totalité complexe consiste à hypertrophier l’importance de cet aspect par rapport à la totalité, tant quantitativement (cet aspect est alors donné comme dominant voire unique) que qualitativement (cet aspect est alors donné comme déterminant, un aspect clé, explicateur). Présenté par Della Volpe comme une inversion du rapport sujet-prédicat au niveau du raisonnement logique, le rapport d’hypostase entre deux concept arrive à se représenter simplement par une phrase copulative généralement paraphrasée par sa converse. Énoncé concret (relatif, partiel, vrai dans ses limites): ARGUMENTER C’EST PARLER. Énoncé à prédicat hypostasié (hypertrophié, substantifié): PARLER C’EST ARGUMENTER.
[3] Les pragmatistes et Kant: Les trois principaux fondateurs du pragmatisme se rattachent d’une façon ou d’une autre à la philosophie de E. Kant:
« …C.S. Peirce, travaillait à sa propre révision des catégories kantiennes, les reliant à la conception particulière qu’il avait de la biologie de l’esprit et exposant sa propre vision de la théorie de la continuité. »
(Schneider 1955: 367)
« Dewey avait commencé à travailler sous la direction de Morris, avec sa thèse de doctorat sur la « psychologie de Kant ». Sa thèse […] était centrée sur la théorie kantienne de la fonction médiatrice du jugement dans l’expérience humaine […]. Dewey poussa encore plus loin la psychologie objective de la volonté dans ses Outlines of Ethics (1891). Pendant qu’il révisait ce système éthique, Dewey découvrit l’instrumentalisme dans la Psychologie de James, et il abandonna par la suite la structure idéaliste élaborée qui soutenait sa conception biologique de la morale… »
(Schneider 1955: 368-369)
« James, bien que revenu d’Europe en 1868, influencé par Darwin, Helmholtz, Charcot et autres naturalistes, restait suffisamment kantien pour conserver la croyance dans le caractère a priori des fondements de la morale. »
(Schneider 1955: 397)
Ces faits ne sont pas innocents lorsqu’on pense aux aspects agnostiques et subjectivistes du pragmatisme ainsi qu’à son ignorance de la dialectique.
[4] Pragmatisme et téléologie: Il y aurait beaucoup à dire sur « la conception téléologique de l’action que partagent Peirce, James et Dewey » (Deledalle 1983: 56). Cette priorité atteindra des dimensions proprement existentielles. Elle dominera l’ontologie la plus générale:
« La question véritablement vitale pour nous est, en effet, celle-ci: « Qu’est-ce que le monde va être? Qu’est-ce que la vie doit pouvoir devenir? Quelle forme doit-elle pouvoir se donner? ». »
(James 1968: 95)
comme les considérations les plus empiriques sur la réalité spécifique:
« La signification d’une chaise, écrit Mead, est de s’assoir dessus, la signification du marteau est de planter un clou » (Mind, Self and Society, p. 104).
(Deledalle 1983: 72)
Dans certaines formulations, James va jusqu’à confondre résultat, conséquence et fait, plaçant la téléologie au centre de l' »attitude » pragmatiste:
« Une attitude, une orientation, en dehors de toute théorie particulière, voilà donc, encore une fois, en quoi consiste, pour le moment, la méthode pragmatique. Et cette orientation, cette attitude, consiste à détourner nos regards de tout ce qui est chose première, premier principe, catégorie, nécessité supposée, pour les tourner vers les choses dernières, vers les résultats, les conséquences, les faits.«
(James 1968: 54)
L’aspect subjectiviste du pragmatisme va l’amener à voir dans chaque fait comportemental (du clignement de paupière devant une lumière trop vive jusqu’aux soubresauts de l’amibe) la manifestation d’une volonté orientée vers un objectif finalisé.
« Aussi n’est-on pas étonné de voir W. James, Tarde, et bien d’autres, conclure de ces faits que les lois psychologiques sont d’une nature absolument différentes des autres lois naturelles. Ce sont des lois téléologiques.
La conception téléologique de la loi psychologique n’est au fond qu’un revêtement scientifique plaqué sur les conceptions métaphysiques qui font de la tendance, du vouloir vivre, de l’instinct, de la volonté et de l’action le fond de tout ce qui existe: aussi a-t-elle été accueillie, élucidée et développée par les pragmatistes, les partisans du primat de l’action. Pour eux, psychologie fonctionnelle et psychologie finaliste sont des termes synonymes… »
(A. Rey cité par Lénine 1973b: 424).
Cette conception déborde les limites du pragmatisme. Qu’on se rappelle la définition de langue selon le Cercle linguistique de Prague: « système de moyens d’expression appropriés à un but » (Kristeva 1981: 221). Cette idéologie du « fait pour » est décrite et dénoncée par H. Lefebvre:
« …les vallées ne sont pas faites « pour » que les fleuves y coulent, mais ce sont les fleuves qui ont creusé les vallées; l’oeil n’est pas fait « pour » voir la lumière, mais, au cours de l’évolution, la lumière agissant sur les pigments des organismes a contribué à la formation de l’oeil »
(Lefebvre 1982: 185).
[5] Timidité de la prise en compte de la totalité langagière concrète: En vertu de cette timidité, on va s’en tenir aux différents tendanciels hérités du pragmatisme. Voyons par exemple la définition de l’activité linguistique chez Ducrot:
« J’appelle « activité linguistique » l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui rendent possible la production de la parole, chez un individu donné, en un point particulier de l’espace et du temps: en fait partie tout ce que Austin appelle « actes locutionnaires » et « actes perlocutionnaires », c’est-à-dire à la fois les actes qui produisent la parole, considérée comme leur aboutissement, et ceux qui la motivent – en l’englobant, à titre de moyen, dans une stratégie d’ensemble. »
(Ducrot 1980b: 29)
La prise en compte de la totalité concrète (l’ensemble des processus) se trouve ici freinée par une sorte d’objectivisme teinté de behaviorisme (physiologique et psychologique), par un tout jamesien empirisme radical (chez un individu donné, en un point particulier de l’espace et du temps) mais surtout par l’hypostase du téléologique sous forme de finalité brute (la parole considérée comme leur aboutissement) ou d’intention (en l’englobant, à titre de moyen, dans une stratégie d’ensemble). La timidité de la prise en compte de la totalité concrète se manifeste dans des énoncés de principes généraux du type de celui de Ducrot au sein desquels on avance subrepticement les facette du problème que l’on valorise. Notons que l’on a pu observer des tentatives pour ouvrir la pragmatique à de plus larges pans de la totalité langagière. Cf, par exemple, Feider et Saint-Pierre (1987). Pour une tentative d’articulation des problématiques argumentatives et sociales: Ebel et Fiala 1981.
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